angoisse séparation militaire
Témoignages

Angoisse de séparation et famille de militaire

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Mettre des mots sur ce que l’on ressent permet de donner une limite droite et une limite gauche à une avalanche d’émotions. Cet article va traiter d’un sujet très répandu mais peu reconnu qu’est l’angoisse de séparation ai sein des familles de militaires.

N’étant pas spécialisée dans le domaine, j’ai du faire quelques petites recherches de façon à écrire un article pour nous, femmes de militaire. Lors de la dernière mission, nous en avons été touché de plein fouet. Je ne prêtant pas avoir de compétences particulières sur ce thème, mais partager mon retour d’expérience pourra, je l’espère, soulager d’autres.

Je remercie celles qui ont souhaité participer à la rédaction de cet article en se confiant sur l’angoisse de séparation.

Pour vous donner un contexte, le dernier départ en mission ne s’est pas très bien passé. Arrive-t-il que cela se passe bien cela dit ? Je trouve qu’il y a des moins douloureuses que d’autres. Sans parler de durée, d’éloignement géographique, il y a des moments dans la vie ou l’on ne se sent pas du tout de supporter une nouvelle absence. Je vous renvoie à un article sur le sujet.

Il y a un an maintenant, nous nous sommes dit  » à l’année prochaine » avec mon mari. Nous allions alors entamer un petit marathon d’absences, 4 mois, puis 1 mois, 15 jours puis 5 mois et demi… Ajoutons à cela un moral pas vraiment stable, une bonne dépression post partum, un déménagement. Rien de bien extraordinaire, nous le vivons toutes à un moment ou un autre. Mais cet enchainement m’a sournoisement placé dans un état psychologique fragile.

L’angoisse de séparation

Cette forme d’angoisse touche l’enfant comme l’adulte. Elle peut être une angoisse de séparation d’objet ( de personne) ou de situation (un lieu rassurant). Une fois le mécanisme lancé, les symptômes sont assez évocateurs. Perte de confiance en soi, crise d’angoisse, TOC, trouble du sommeil, peurs, pleurs, anxiété, repli sur soi…

Dans les jours qui ont précédé le départ, je n’arrivais pas à profiter des instants ensemble. Oscillant entre les larmes, les crises de panique, la perte totale d’envie de faire quoique ce soit. Dur pour celui qui part, je me trouvais tellement égoïste de gaspiller ce temps précieux, sans pour autant réussir à me ressaisir. La perte de confiance en moi ainsi que la peur de sortir de ce nouveau chez nous ont duré une bonne semaine après le départ. Je pense qu’au bout d’un moment mon instinct de survie à pris le relais.

C’est assez facile avec du recul de comprendre ce qui s’est passé. Sur le moment, je pensais simplement être bouleversée par ce départ. Ce n’est qu’au bout de plusieurs mois, même après le retour que j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une angoisse de séparation. Une fois installée c’est assez compliqué de la laisser partir totalement. Comme si ces émotions négatives rejoignaient le petit coin dans notre inconscient des idées noires pour ressortir à chaque petits moments de stress.

Alors comment faire ?

Une fois installée l’angoisse de séparation ne se chasse pas facilement. Je n’ai d’ailleurs à ce jour aucune certitude sur le sujet. Chaque petits évènements me rappelant ce départ me replace dans un stress intense, une profonde tristesse.

Savoir reconnaitre que cela ne va pas, c’est déjà un sacré pas en avant. J’aurai aimé me rendre compte plus tôt que cela n’était pas juste un coup de moue après un départ. Peut être que mon entourage aurait pu réaliser qu’il y avait vraiment un souci. Avec du recul, pleurer quasi tous les jours, vouloir rester chez moi, dans ma tanière avec mes petits loups, avoir en permanence comme un étau sur la poitrine n’a rien de très « normal ».

Pauline, conjointe de militaire et infirmière en psychiatrie a gentiment pu m’éclairer sur le sujet. Elle nous parle de son retour d’expérience en tant qu’infirmière mais également en tant en partageant les solutions qu’ils mettent en place en institution.

« Pauline, est ce que ça se soigne ?

Oui, ça se travail et comment ? Il y plusieurs solutions !

– On peut faire appel à un psychologue notamment avec les TCC ( thérapie comportementale et cognitive) , ou la Gestalt Therapie (c’est ce que je fais).

– La sophrologie peut être une méthode douce bien utile !

– Les traitements lorsque ça rentre dans un contexte de dépression, anxiété généralisée etc

– Les activités créatives et sportives : qui vont aider à la gestion de l’angoisse

– Les animaux : hyper bonne thérapie, la meilleure sans doute, nous avons pris Shadow une petite chienne formidable avec qui je bosse beaucoup et qui m’apprend tous les jours, ca a été libérateur. Je suis obligée de m’en occuper, de la sortir etc.. et puis ça apporte une présence sans faille 🙂

Nous, en psychiatrie en tant qu’infirmier , on ne travaille pas sur ce « symptôme » On va plutôt travailler sur l’ensemble du problème, ou le problème de fond, ce qui a conduit à l’angoisse.

Dans tous les cas, il faut oser se faire aider quand les stratégies mises en place ne fonctionnent plus. »

Les solutions que j’ai pu trouver en tant que maman et femme

Comme dirait ma maman, si une maman va mal, la famille va mal. Il semblerait que pour cela (aussi…) elle ait raison. Ils ont été très courageux mes 2 petits pendant le début de cette mission. Mais à la moitié, sans que je m’en rende compte, tout a basculé. J’étais aveuglé par mon chagrin et persuadée de faire ce qu’il fallait pour eux. La première manifestation fut les cauchemars, les soirées à se relever jusqu’à ce que je sois couchée, les réveils de nuits, les petits yeux tous cernés au réveil. Ils étaient à fleur de peau, en colère et chaque épisode finissait en larmes pour tout le monde parceque « le travail de papa est nul, le ****** (pays) c’est nul, nous on ne fera jamais ce travail pour abandonner nos enfants nous »  » tu aurais du l’empêcher de faire ce travail »  » Et toi aussi tu vas partir alors je te surveille »… Les journées n’étaient plus que ponctuées de bricolage pour tenter de survivre jusqu’au retour. Ce qui fut très très long.

Nous avions mis en place plusieurs petit objet rituel qui nous ont bien aidé ! Des histoires enregistrées, me permettant de « déléguer » l’histoire du soir, Les géants « nounours papa », les albums photos, les bisous de papa, le calendrier du dernier mois…Il en existe bien d’autres et chaque famille pioche pour trouver ce qui leur fait du bien.

Chez les enfants l’angoisse de séparation se manifestait un peu différemment, de façon plus « primaire » dans le sens proche de quand ils étaient tout petit. Un grand besoin d’attachement, de toucher physique. Une tendance a mettre à la bouche, à mordre nerveusement les habits, les doudous, les oreillers, les crayons, les ongles. Les cauchemars, l’irritabilité, la peur d’abandon du parent restant.

N’hésitez pas à vous faire aider

Nous sommes bien heureux que cette mission soit derrière nous ! Sur le moment, je n’ai trouvé comme solution avec les enfants que de parler et se dire dès que l’on sentait la peine arriver. ne rien garder pour soi. Nous avons créé de nouveau rituel, comme le camping dans la même chambre du dimanche soir, le restaurant du week-end. Il fallait a tout prix rendre les dernières semaines joyeuses pour ne pas nous tirer vers le bas les uns les autres.

Mettre par écrit tout ça permet de poser des mots sur des souffrances encore bien vives. Pour ma part cela me soulage et me déculpabilise par rapport à ma difficulté de surmonter cette épreuve. Il ne faut pas hésiter à se faire aider, à se confier à quelqu’un qui saura écouter et conseiller. Pour ma part, sur le conseil d’une amie, je suis allée consulter un médecin pour me donner un coup de boost physique et commencer à aller mieux.

Une expérience vécue par Charlotte

Une Aiglonne et cette fois ci maman de petits à pu se confier sur le sujet

Nous sommes beaucoup à passer par ces mêmes phases douloureuses. Charlotte a connu 6 OPEX en 12 ans de relation. On ne s’y habitue jamais. Elle a « toujours 3 moments de « pics d’angoisse » : l’annonce de la date d’opex, même des mois auparavant ; puis la soirée des 24h avant départ et enfin les 2h post-départ. Ce sont 3 moments où je suis totalement incapable de raisonner. Les idées noires se font alors un malin plaisir d’ assaillir notre esprit.  A ces 3 moments-là, je me projette, seule avec les enfants, et tous les moments difficiles des séparations antérieures me remontent à l’esprit et je me sens bien trop faible pour les repousser. La solitude en tant qu’adulte, le chagrin des enfants à gérer, leurs colères, les maladies, le travail, la course tout le temps et partout, et surtout l’immense durée de la séparation à venir. »

Et du coté des enfants

« Pour les enfants, nous mettons tout un attirail de parades en places pour éviter l’inquiétude. Le calendrier, les objets doudous, la musette pioche-câlin, le petits sac à bisous etc. tout au long de l’opex. Malgré tout, concernant le moment de la séparation, je me sens désemparée lorsque plusieurs jours avant chaque mission (même courte), mon petit de 3 ans est comme « hanté » par le départ. Pendant plusieurs jours, surtout au moment de l’annonce d’un prochain départ, il est en hypervigilance et va se chercher son père constamment. Il suffit que son papa quitte une pièce pour qu’il vienne me voir en me demandant si son papa est parti en mission. Parfois son père est juste en train d’étendre du linge dehors ou sous la douche ! S’il est hors de sa vue, cela est synonyme pour lui de « il est parti ». Une fois que mon mari est parti en mission (pour de vrai), il ne le demande plus. Nous avons beau lui dire qu’on le préviendra avant le départ, qu’il y aura les aurevoirs etc., je ne le sens apaisé qu’une fois la séparation faite.

Sa grande sœur est aussi très inquiète à l’idée que son père parte pendant qu’elle dort, la nuit. Il lui est déjà arrivé de devoir lui dire au revoir le soir avant de se coucher, et elle déteste ça. Nous lui disons que son père reviendra lui faire un bisous pendant son sommeil, mais elle ne le supporte pas et réclame être réveillée à 3 ou 5h du matin. C’est très dur pour moi (égoïstement) d’accepter son souhait car à 3h du matin, après être allée dehors dans le froid pour dire au revoir, elle a beaucoup de mal à se rendormir et moi je suis une loque sans beaucoup de courage pour l’aider dans son chagrin. »

Courage à toutes et à tous qui vivait en ce moment une séparation ! N’hésitez pas à vous confier quand ça ne va pas.

S’autoriser à aller mal est le premier pas vers la guérison

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