Femme Militaire
Parentalité,  Témoignages

Etre une maman, femme militaire et femme de militaire

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Voici la lettre d’une femme militaire à son enfant. Malgré la difficulté d’être à la fois mère, épouse et militaire, on découvre ici la beauté de ces relations. Rien, ni la distance, ni les épreuves, ne vient entraver l’amour d’une mère et d’une épouse.

 

Mon Ambroise,

 

Tu ne liras peut-être jamais cette lettre, tu es de toute façon trop jeune pour en comprendre les mots, mais tu en saisis déjà le sens et les émotions, du haut de tes 6 mois et demi. 

 

Dans trois jours, tu auras 7 mois et je ne serai pas à tes côtés. Je n’étais pas là non plus pour tes 6 mois, et je serai absente pour tes 8 mois. Ce n’est pas moi qui t’ai installé pour la première fois dans une chaise haute, ce n’est pas moi qui t’ai fait découvrir la poésie de Noël, qui t’ai assis sur ton premier cheval à bascule, qui t’ai observé ouvrir ton premier cadeau de Noël. Je ne serai pas là pour ta première bouchée de galette des rois, mais j’espère être là pour ton anniversaire. 

Tu es en train de passer quelques mois en tête-à-tête avec Papa et bientôt tu en passeras quelques-uns rien qu’avec Maman.

 

La chance ! 

 

Je me souviendrai toute ma vie de ce jour de septembre où je me suis dit qu’il fallait que j’aille à la pharmacie. Ce jour où ma première pensée a été « oh non, pas maintenant, je pars en mission dans 8 mois, mon Dieu s’il vous plaît pas maintenant ! ». Et bien si, c’était maintenant. 

Date de décollage prévue le 4 juin, date d’accouchement prévue le 6 juin. 

Mon Colonel, capitaine, mon adjudant, les gars, vous allez rire… 

 

Femme militaire et femme de militaire

 

Comment être à la fois militaire chef de section, femme de militaire, femme, maman ? 

Les trois premières casquettes, fastoche : il suffit d’aimer son pays, de vouloir Servir, d’avoir la certitude d’être là où tu dois être, d’aimer les 38 qui te sont confiés, ne pas s’attendre à trop voir son mari, profiter des rares moments où l’on est tous les deux à la maison, de s’acheter des montagnes de fringues que l’on ne met que le weekend, d’aimer la couleur kaki, les pantalons informes, le sport, la boue, et d’avoir une confiance totale en la Providence !

Le problème principal ? Je ne peux pas lui reprocher ses absences : je lui fais subir les mêmes ☺ 

La coordination des emplois du temps n’étant pas la priorité de nos chefs, il faut s’attendre à passer du temps seule : seule à la maison ou seule en mission ! On ne s’ennuie pas, on n’a pas trop le temps de se disputer et on se dit souvent au revoir… Notre vie est palpitante, intense, riche, enrichissante, pleine de sens… Pleine d’absences, fatigante aussi !

 

Mais nous l’avons choisie. 

 

Nous avons dit oui non seulement à notre carrière d’officier, mais nous nous sommes dit oui l’un à l’autre en pleine conscience des défis à relever. 

Cela ne signifie pas que ce soit plus simple !

Ce n’est pas plus facile de dire au revoir à son mari lorsqu’on connaît la boutique, ce n’est pas plus facile de partir en mission, ce n’est pas plus facile de passer Noël seule ou d’annuler des vacances au dernier moment. C’est juste vécu avec un autre regard, avec une autre « famille ». 

 

Pour la dernière casquette, celle de Maman : Quand faire un enfant ? Quand trouver le bon moment ? Comment le faire accepter à nos chefs ?

Un vieux dicton dit que les plans sont faits pour être détruits. Le plan de « on aura des enfants telle année, tel mois, cela coïncidera avec telle mission, telle prise de commandement et telle période creuse de ma/notre carrière » n’a pas échappé à la règle, et mon Ambroise tu es arrivé pile poil dans la période identifiée « SURTOUT PAS D’ENFANT A CE MOMENT-LA ».

 

Oups…

 

Oh mon chéri, tu es arrivé dans un quotidien bien mouvementé ! 

Tu as été gardé par des caporaux-chefs au bureau de Papa lorsque tu étais malade, tu es allé en réunion pour la prévention contre l’alcool au régiment avec Maman, en commission RH lorsque tu avais 3 semaines, tu as dormi dans la chambre du service de semaine, dans le bureau du capitaine, au mess, au club des Lieut’, dans la voiture au pied de l’escadron, dans ta poussette aux BBQ pelotons, aux pass’comm’; ton papa t’a mis dans un treillis lorsque tu avais 2 mois, en position de pompe beaucoup trop tôt. Tu as joué avec des fourragères et des médailles, ta maman a dû commander des tailles de treillis absurdes pour pouvoir travailler en uniforme. Les photos d’elle enceinte de 8 mois en treillis sont mémorables, et quelques heures avant ta venue sur Terre, tu étais en réunion au régiment…

 

Tu n’as que 6 mois…

 

Tu n’as que 6 mois et des brouettes, et pourtant ta vie est rythmée par l’armée. 

Pardonne-moi mon trésor, pardonne-nous.

Nous faisons au mieux. Des absences beaucoup trop longues, des retrouvailles beaucoup trop courtes, des heures parfois comptées à tes côtés. Et une tristesse immense lorsque je dois te laisser. Nous passons plus de temps avec les 40 enfants que nous commandons qu’avec toi. Et pourtant nous t’aimons cent fois plus. Mais nous aimons aussi notre belle France, nos régiments, nos hommes…

 

Nos journées passées ensemble sont des souvenirs délicieux, la soirée à te câliner avant mon départ est ancrée dans ma peau, les photos de ces instants sont de vrais trésors que j’admire précieusement le soir avant de m’endormir, tes rires joyeux que Papa enregistre sur Whatsapp ensoleillent mon quotidien, les vidéos de toi découvrant le monde font bondir mon cœur, j’imagine ton odeur, ton petit cou dodu, j’entends tes gazouillis par messages vocaux, tu t’endors au son de ma voix dans le téléphone…

Cette distance me fait pleinement réaliser ce qu’il m’arrive :

Je suis ta Maman.

Tu es pour moi unique au monde et je suis pour toi unique au monde…

 

Cela fait un mois et demi que je suis partie. Tu as eu deux dents, une bronchiolite, tes cheveux ont poussé, ton rire résonne dans toutes les maisons que tu visites, tes grands yeux bleus sont remplis de joie de vivre, tu aimes les autres, tu souris à tout le monde… Vivement mon retour.

Ah non, puisqu’à mon retour, c’est Papa qui part 3 mois … 

Chouette : c’est avec moi que tu chercheras tes premiers chocolats de Pâques !!!! ☺ 

 

J.

 

4 Comments

  • Mimie

    Merci pour cet article.
    Je me sens moins seule dun coup.
    Je ne suis pourtant pas mariée à un militaire mais jen suis une. Jai la chance de me dire que quand je rentre il est là. Jai la chance quil supporte tt ca pour moi.
    Bonne continuation !

    • Jodar

      Merci pour ce superbe texte, qui est tellement réalité !
      Je suis sous-officier parachutiste ,mariée à un officier parachutiste, nous avons 2 enfants (6 et 8) et notre quotidien est rythmé par les absences , les galères qui vont avec si bien décrites, ainsi que les belles retrouvailles !
      Pour la première fois depuis la naissance des enfants , c’est moi qui partirai en mission fin janvier. Je commence à préparer mon départ !

      Merci encore pour cette jolie lettre, tellement vraie.

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