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Témoignages

Mutation, cette loterie qui peut virer au cauchemar

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En cette période où les mutations vont commencer à tomber, voici le récit qu’une fidèle Aiglonne a accepté d’écrire. Les épreuves sont telles des nuages, ils finissent toujours pas passer. Mais quand on est au beau milieu d’une tempête comme s’en sortir ? Peut importe la destination, le ressenti est très personnel. Il peut être assez culpabilisant d’entendre « Mais tu verras tout le monde s’y plait ». Cette phrase peut même clore une discussion qui aurait été salutaire pour une amie tirant un signal d’alarme. « Oui, mais moi, je ne suis pas tout le monde »

Ce qui est beau dans cet article, c’est la prise de recul et l’analyse qui en découlent. Courage à toutes celles qui vont déménager cette année !

Chérie, on déménage !

Il y a des nouvelles que l’on attend plus que d’autres, comme celle de la prochaine mutation. Pourquoi ? L’excitation de la nouvelle destination, de la nouvelle vie , nouvelle ville qui vont s’offrir à nous. Oh bien souvent quitter la ville où l’on est, ses amis sont très difficiles, déchirants, parfois même. Cependant lorsque l’annonce de la destination n’est pas réjouissante tout devient plus compliqué…

« Nous vous proposons un poste à XXX, parlez-en avec votre épouse ».

La fin de la phrase n’est que pure politesse et le choix du verbe « proposer » une ineptie car bien souvent
lorsque l’Armée propose, c’est qu’elle a déjà décidé pour vous. L’annonce de cette mutation, fut l’effet d’une douche froide, une bombe en moi alors que tant de bouleversements s’opéraient déjà . Sans surprise de devoir changer de ville, malgré l’immense crève cœur que cela représentait, de voir mon monde qui s’effondrait, la ville où l’on nous « proposait » d’aller était un cauchemar pour moi.

« Non, je t’ai toujours dit que c’était impossible pour moi », «  il te faut faire un choix », « tu ne me comprends pas », « tu ne vois pas le bien que cela nous ferait », « pour ma carrière, mon épanouissement personnel »

Tant de phrases , d’incompréhensions qui ont jalonné les mois qui s’en suivirent…

Un véritable  cataclysme dans ma tête

Pourquoi cette mutation, ce changement de vie et de ville étaient ils si compliqués ?
Pourquoi peuvent-ils s’avérer si durs dans nos vies ?
Des grossesses successives suivi d’un épuisement maternel, une dépression post-partum, des absences constantes, une vie familiale devenue décousue , de la fatigue chronique, maintes et maintes raisons qui font , que parfois ,l’annonce devient un boomerang reçu en pleine tête et un trou noir dans lequel on s’enfonce.

« Mais pourquoi puisque tu l’as toujours vécu ? »

En effet, lorsque toute sa vie, les déménagements ont fait partie intégrante de notre enfance, adolescence, que nos familles sont issus de ce cru, l’habitude devrait être là. Cet idéal qui anime les hommes de votre famille, et qui tend presque parfois à devenir le votre, tellement c’est un milieu dans lequel vous baignez.
L’acceptation et l’abnégation devraient être les maitres mots. Impossible parfois, tout devient impossible, inenvisageable, effrayant. Il en devient irritant de ne pas être entendue, écoutée, comprise par son plus proche
allié de toujours mais aussi par l’entourage.

«  Oh tous ceux qui y sont allés ont adoré »,
« vois cela comme une aventure »

Tant de phrases, souvent prononcées par des personnes qui ne changent pas de ville, ou ne partiront jamais de l’autre côté du monde. Pire encore celles qui peuvent vous faire culpabiliser :

« Pense à ton mari, c’est une opportunité géniale pour lui, tu le savais en te mariant ! »

«  Quand même pour ton mari ce n’est pas bien de ne pas accepter d’être si réfractaire ! »

NON : la vie de couple n’est pas une prise de décision unilatérale même quand on est marié à un militaire. Evidemment certains évènements sont des impondérables et personne n’y peut rien, il faut s’y plier, ce n’est pas ce qui est remis en question.

L’abnégation est possible (je ne sais pas si elle est souhaitable) si et seulement si l’autre n’est pas nié entièrement, si un équilibre peut se trouver derrière. Alors on ne parlerait plus d’abnégation mais de compromis.

La vie est faite de compromis.

Dans l’épreuve que peut s’avérer être une mutation difficile, plusieurs étapes sont à
franchir.

Celle de l’annonce, boomerang, effondrement parfois.

Le déni : où l’on se persuade que cela peut encore changer, pourquoi n’aurais-je pas de chance quand tant d’autres en ont ?

La colère et la négociation : tenter de comprendre pourquoi l’autre n’est pas ouvert au dialogue ? pourquoi les deux points de vue s’opposent tant ?

On pourrait employer ce mot de « dépression » ensuite, qui peut sembler un peu trop fort, même si pour certains il s’en approche réellement. En effet, notre curseur émotionnel, notre réservoir n’est pas rempli ou placé de la même manière ce qui nous empêche de bien franchir certaines étapes.

Cette étape peut durer plus ou moins longtemps, viendront ensuite les temps de
l’acceptation et de l’expérimentation.

Alors comment surmonter cela ?

Lorsqu’une famille est amenée à déménager, il est évident que beaucoup de considérations matérielles, administratives nous rattrapent, et donc il nous faut nous plonger dedans. A contre cœur, mais lorsque l’on est mère, on sait encore mieux que quand certaines choses doivent être faites, on ne peut leur tourner le dos.
Cela permettrait d’y voir un peu plus clair, d’appréhender ce nouveau lieu, même si tout est encore très compliqué.

Evidemment, il y a ces amitiés indéfectibles qui vous aident. Ces personnes qui coutent que coutent vous épaulent, sont une oreille attentive. Elles comprennent, écoutent, ne prodiguent pas forcément de conseils mais sont là. Leurs présences, leurs conseils sont éminemment puissants et importants.
Il y a aussi des personnes qui vivent la même vie que vous, qui sont dans la ville, l’endroit redouté et vous aident par leurs bons conseils, leur hauteur de vue que vous n’avez pas encore.

Est ce que aujourd’hui je m’y plais ?

Lorsqu’une épreuve est à franchir, souvent, il faut être dedans, ou aller quelque part pour l’expérimenter et comprendre que l’on en est capable.
Etre capable de surmonter une mutation compliquée ne veut pas dire que tout sera rose, mais être au cœur du problème permet en ce sens d’y faire face avec plus de lucidité.
Certaines appréhensions restent les mêmes, Rome ne s’est pas faite en un jour et par conséquent, aimer un nouvel endroit ne se fait pas en 4 mois.
Est-ce que aujourd’hui l’endroit où je vis me plais ? Non, mais souvent nous avons plusieurs années devant nous, pour nous y faire, essayer de créer un espace de vie sécurisant, se recentrer sur l’essentiel.

Ces annonces de déménagement peuvent être vécue comme un traumatisme parfois et il ne faut pas passer à côté, de même qu’une fois à l’endroit dit, il est important de ne pas nier certaines difficultés qui sont réelles… certaines angoisses. Réussir à surmonter cela et bien se sentir au quotidien ne veulent pas dire que tout ce que nous avons vécu ou ressenti avant étaient purs caprices ou folies, cela prouve une certaine hauteur d’esprit
au contraire, une grande capacité d’adaptation, ce dont nous sommes capables.

A chaque jour suffit sa peine

J’ai beau avoir passé ma vie à déménager cette fois, cette fois j’y ai laissé beaucoup de plumes,
probablement que je n’aimerai jamais cet endroit, et alors ? Nous ne sommes pas toutes pareilles.
Mais je peux malgré tout essayer d’aimer chaque jour et de m’y sentir bien.

Une personne très chère à mon cœur m’a dit un jour : «  Dans chaque mort de la Vie, il y a une résurrection ensuite ».
Nous expérimentons tous cela, et j’aime à me le rappeler à chaque épreuve.

Eugénie

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