Militaire au bout du monde
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Militaire du bout du monde

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Ma vie de militaire du bout du monde

Nous sommes partis vivre en famille au bout du monde.

Nous vivons à Hiva Oa. Une île minuscule perdue au milieu de l’océan Pacifique, sortie de l’eau il y a des millions d’année suite à l’éruption d’un volcan sous-marin. Nous sommes sur l’archipel habité le plus éloigné de tout continent.

Situé à 1500 km au nord-est de Tahiti, l’archipel des îles Marquises (te Fenua Enata, la « Terre des Hommes » en marquisien) est composé de 12 îles dont seulement 6 sont habitées. Au sein même de l’archipel, étiré sur 350 km, l’éloignement est la règle pour les quelques 9 000 personnes qui y vivent.

Situé à seulement un millier de kilomètre de l’équateur, l’archipel n’est que rarement affecté par les cyclones et les températures sont stables toute l’année. Nous avons 11h30 de décalage horaire avec la métropole et nous nous levons exactement à l’heure nos familles et amis se couchent. Nous ne parviendrions pas situer sur une carte ce chapelet minuscule noyé dans l’immensité du Pacifique si Gauguin et Brel ne l’avait pas choisi comme dernière demeure.

A Hiva Oa, nous sommes retournés vivre dans la nature. Ici, pas de beaux lagons ou de plages de sable blanc. Mais des paysages d’une beauté remarquable, parfois à couper le souffle. Une nature préservée, authentique, vraie. Nous cueillons nos fruits lors de nos randonnées du dimanche, nous achetons pour une bouchée de pain le thon rouge aux pêcheurs que l’on voit rentrer au port depuis maison.

La pêche y est comme miraculeuse. Les enfants s’émerveillent à remonter leurs premiers poissons lorsque ce n’est pas un requin qui emporte leur ligne. 

Derrière cette beauté et cette abondance de la nature, se cache une vie rustique et éloignée de la civilisation moderne. La vie y est rude, comme ces falaises sans cesse attaquées par les vagues folles du Pacifique. Autrefois, il n’y avait ni bœufs, ni cochons, ni moutons, ni poulet. Tous ont été apportés par les premiers explorateurs européens au 16 e siècle. Pendant longtemps le principal apport en viande venait des prisonniers des guerres entre tribus voisines. 

La nature forge les hommes qui vivent aux Marquises. Mais la plus grande peur ne vient pas des tempêtes du Pacifique, des dépressions pluvieuses tueuses, des requins qui rodent sur chaque plage. La plus grande peur des Marquisiens vient des êtres microscopiques, des virus ou des bactéries, qui autrefois ont décimé leurs grands-parents et leurs arrières grands-parents. Aux Marquises, la population a été divisée par 10 en 150 ans.

Nous pensions être déjà bien éloignés au bout du monde, la pandémie qui frappe le monde en 2020 a accentué notre isolement. 

Un ami sur l’île pensait s’habituer rapidement à cet environnement isolé et éloigné, puisque sa dernière affectation était dans un village de 2 000 habitants dans l’Aveyron. Si effectivement la population totale de l’île s’en approche, ici le supermarché le plus proche est à 1 500 km et 4 heures d’avion. Pas de bar, de cinéma, de magasin autre que deux supérettes. Des rues vides dès que la nuit tombe, vers 18h00 toute l’année.

C’est en s’éloignant du monde que l’on se rapproche sa famille. Nos trois petits essentiels, nous les voyons grandir tous les jours. Nous parcourrons l’île avec nos enfants et passons toutes nos soirées avec eux. A chaque randonnée ils nous rendent un peu plus fiers par leur force mentale et leur envie de toujours aller jusqu’au bout. La pauvreté de l’offre d’activité et de divertissement nous pousse à innover par de nouveaux passe-temps et rituels familiaux.  

Les demi-journées de courses sont remplacées par l’entretien des bananiers et avocatiers du jardin, les pique-niques au sommet des volcans éteints prennent la place du diner Uber Eat de la flemme du dimanche soir. 

Parfois, nous voudrions que ce temps dure toujours.

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