accouchement sans son militaire
Témoignages

Récit d’un accouchement sans mon militaire

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Récemment, on m’a demandé d’aborder des sujets personnels, plus simples, un quotidien, une expérience. Je pense que ça peut nous permettre en effet de nous rapprocher, de nous rendre compte que nous sommes au fond de la même étoffe. Avec nos forces, nos fragilités, nos passés, nos présents certes différents. Mais ensemble, en partageant des moments de vies, nous pourrions nous rassurer et nous aider. Je pense que vous parler d’un accouchement sans mon militaire.

Je n’ai pas mis bien longtemps à trouver le sujet dont je voulais vous parler. Un sujet qui m’a toujours touché. Depuis l’adolescence, j’ai une fascination pour les femmes enceintes. Je les trouve belles, chanceuses…Je me souviens encore quand j’en croisais une dans la rue, avec mon appareil dentaire et mon cartable Chipie, tomber en admiration devant sa robe volant au vent, ses cheveux magnifiques, son ventre arrondit et cet air si épanoui. Attention, je parle bien évidemment de ma vision à l’âge de 11 ans. Puis mon désir d’être sage femme à confirmé mon souhait de travailler et d’aider les femmes enceintes.

Mais « tu es infirmière ?! » me direz vous

Oui, je n’ai pas eu la chance de tomber sur les bons professeurs au lycée qui m’ont jugé tout juste capable d’aller en filière générale simplement parce que je n’étais pas scolaire, alors devenir sage femme… À force de remarques cassantes, j’ai malheureusement laissé de côté ce projet. Me voici donc infirmière et comme un cadeau, j’ai eu l’occasion de travailler en maternité à Paris, un des rares endroits où une infirmière peut y travailler. C’était lors d’un stage qui m’a beaucoup plu !

En fin d’études, j’ai fait un mémoire dont le sujet était « la place du père lors de l’accouchement ». Un travail qui m’a emballé et un sujet qui dénotait un peu. Je précise encore que c’était il y a… 11 ans !

Vous devez peut-être vous demander où je veux en venir, moi qui plus haut ai annoncé un sujet simple.

J’ai choisi de vous parler de l’accouchement sans son conjoint militaire. J’évite de dire accouchement seule car pour ma part j’ai eu la chance d’être accompagnée.

Tout commence par une mutation à l’autre bout de la France puis par une annonce de départ en sentinelle 15 jours plus tard. J’arrivais enceinte de 7 mois et la fin du mandat sentinelle était fixée au 10 décembre. Gros choc pour nous deux car le terme étant prévu pour le 5 décembre nous nous sommes quittés sachant qu’à son retour nous ne serions plus 3 avec notre aîné, mais 4. Ca peut sembler bête, mais je l’ai vécu comme un cataclysme. Physiquement, ma grossesse s’est très bien passée, j’ai été entouré par des amis du « dimanche midi » qui ont sacrifié leur repas dominical en famille pour me faire signe avec mon fils et mon gros bidon. Des instants de pur bonheur !

Le D day

Et puis un fameux dimanche ou j’étais avec mon amie à papoter, mon ventre a commencé à faire des choses étranges. On en a plutôt ri, car pour mon aîné, j’ai été déclenché à Terme+4 donc étant le 20 novembre, j’étais large ! Je suis rentrée chez moi en fin d’après-midi pour le rituel de bain et dîner de mon premier petit Loup. Sauf qu’à 18h, j’ai commencé à trouver les contractions très régulières et douloureuses. Mais rapidement, un dilemme s’est posé, mon mari était à 2h30 de route, je ne pouvais pas faire de fausse alerte de peur de « déranger ». Oui, c’est mon gros souci ça, la peur de déranger les autres.

Mon plan alerte cigogne était de prévenir mon amie, chez qui j’étais plus tôt dans la journée. Elle habitait à 25 minutes de route. Elle garderait petit Loup tandis que le papa rentrerait pour me conduire à la maternité. Et puis on était large niveau timing ayant en tête la première naissance. À 20h, je couche mon enfant, je me pose sur mon lit, je compte le temps entre les contractions. En parenthèse, j’avais rêvé de ce moment pour mon aîné, ayant était déclenché, c’était très médicalisé. Entre 2 contractions, je savoure le moment. J’appelle la sage-femme qui me dit de venir, que c’est le moment.

Alors si c’est la sage-femme qui le dit, lançons l’alerte !

Quelle chance, débarrassée de mon souci de déranger puisque  » c’est la sage-femme qui l’a dit » j’appelle mon amie et on met le plan alerte cigogne en marche. Une voisine adorable garde ces deux filles tandis qu’elle accourt pour me conduire à la maternité. On embarque mini Loup en pyjama, lui aura été impeccable puisqu’il aura dormi dans la poussette surveillé par du personnel de la maternité.

Je préviens mon mari qui avec un accompagnateur, histoire de ne pas rouler à 1000km/h rentre directement. J’arrive à la maternité et d’un air tout joyeux la sage femme qui s’occupe de moi m’annonce « c’est super, le bébé sera la très bientôt ». « Ah non, je ne crois pas, mon mari n’est pas là, ce n’est pas possible » il était 22h.

Il va arriver, j’en ai besoin

Et pourtant si, je le sentais bien que mon bébé serait là d’une minute à l’autre. Je me répétais, ne t’inquiète pas, il va arriver, j’ai  besoin de lui. Tout naturellement, la suite des évènements arrivant, déplacée en salle de naissance, mon amie était toujours là. Les sages-femmes nous ont fait une fleur en gardant mon fils qui dormait toujours dans une salle à côté.

Je me souviens encore de mon amie qui me regarde tout aussi chamboulée que moi et qui me dit très gentiment  » quand tu veux que je parte, tu me dis, mais si tu veux, je peux rester »

Je n’y aurais jamais pensé, je ne lui aurais jamais demandé d’ailleurs en amont, mais une fois qu’elle m’a dit ça, je me suis sentie rassurée. Alors je me suis mise dans ma bulle avec le bébé et tout s’est très bien passé. Il était 22h30.

Mon petit bébé est né à 23h40, mon si mignon petit bébé. Pour moi comme pour mon amie ce fut une expérience hors norme, un des plus beaux moments de notre vie. Vers minuit et demi mon mari m’a rejoint pour découvrir son fils. Ils sont tous les 3 rentrés déposer par mon amie qui aura si gentiment fait le taxi du retour avant de rentrer chez elle.

Ce que j’ai retenu de cette soirée

Ce n’est pas la nuit qui a suivi pendant laquelle j’ai pu réfléchir à ce qui va suivre, nous avons tous les deux dormi d’une traite.

Mais par la suite, j’ai pu prendre conscience de ce cadeau du hasard qui m’a permis de me dire  » je peux le faire, la force est en moi, je dois la trouver et je vais y arriver ». Pour une femme de militaire, je prends vraiment comme tel, car il nous en arrive des histoires, des soucis, bien souvent quand nous sommes seules. Ce moment m’aura marqué pour toujours.

Pour une femme, l’accouchement est un moment qui les change à jamais, elles deviennent mères. C’est un moment que l’on imagine pendant des mois avec impatience, avec peur, avec des doutes. C’est le passage obligé, qu’il s’agisse d’accouchement voie basse ou par césarienne, pour tenir son enfant tant désiré dans ses bras. Pour Catherine Bergeret Amselek, « l’accouchement contient en condensé(…) toute la maternalité qui se met en acte, qui se dramatise à travers le corps ». Et bien avoir vécu cet instant sans mon mari m’a permis de prendre conscience de ma force, moi la très bonne seconde, la suiveuse, celle qui a besoin d’un Oméga pour avancer. 

Je me sens plus forte

Bien évidemment, je vais être honnête, je ne vais pas dire qu’à choisir, je le referais. J’apprécie beaucoup trop la présence de mon mari qui avait joué un rôle incroyable de soutien et de compassion à mes côtés. Mais aujourd’hui, après avoir affronté une des épreuve ultime de la vie d’une femme sans lui, je ne sens plus forte et à même de gérer pendant les absences.

Il ne s’agit pas là d’un encensement de ma petite personne, mais bien au contraire de me livrer simplement à vous. Vous qui me faites confiance si souvent par échanges de mails. Je parle de mon ressenti par rapport à une expérience précise, n’ayant pas pour volonté de généraliser mon constat.

Merci à vous pour votre soutien et vos idées !

Anne

 

 

 

 

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